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La distribution et l’affichage des tracts syndicaux dans un établissement public ou privé : législation – jurisprudence – délai de prescription de l’employeur

Dans le cadre de l’exercice d’un mandat syndical, les salariés du secteur privé ou public bénéficient du droit d’afficher et de distribuer des tracts, affiches ou publications d’origine syndicale dans leur établissement.

Les propos ne doivent pas être insultants, injurieux ou diffamatoires et seuls les documents d’origine syndicale sont autorisés à l’affichage, la diffusion ou à la distribution en excluant les publications d’origine politique.

La diffusion de  tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l’employeur est possible après un accord d’entreprise ou à un accord de l’employeur.

Dispositions législatives

Les principales dispositions législatives et réglementaires qui déterminent l’affichage, la distribution et la communication des tracts syndicaux dans le secteur privé et public sont  :

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – article 65 sur le délai de prescription de trois mois

Articles L2141-1 à 12 du Code du Travail sur l’exercice du droit syndical dans le secteur privé

Article L2142-3 à 7 du Code du Travail sur l’affichage et la diffusion des communications syndicales

Décret 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique

Circulaire 1487 du 18 novembre 1982 relative à l’application du décret 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique

Décret 84-954 du 25 octobre 1984 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique de l’État

Décret 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale

Décret 86-660 du 19 mars 1986 relatif à l’exercice du droit syndical dans les établissements de la fonction publique hospitalière

Circulaire DGOS/RH3/2013/275 du 9 juillet 2013 relative à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique hospitalière

Loi 2014-56 du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap

Les décisions de la jurisprudence

Arrêt N°43753 du Conseil d’État du 13 décembre 1985 indiquant que, seuls les documents d’origine syndicale sont autorisés sur les panneaux à l’exclusion des documents étrangers à l’exercice du droit syndical

Arrêt N°85-46050 de la Cour de Cassation du 20 octobre 1988 précisant que des salariés du secteur privé ne peuvent pas distribuer des tracts syndicaux dans la cafétéria ou le restaurant de l’entreprise, sauf accord express de l’employeur ou d’une disposition conventionnelle plus favorable

Décision N°94LY00396 de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 6 décembre 1994 indiquant que les dispositions de l’article L49 du Code électoral sur la distribution de la propagande électorale ne sont relatives qu’aux seules élections législatives, cantonales et municipales et ne sont pas applicables aux élections professionnelles

Arrêt N°95-18131 de la Cour de Cassation du 24 juin 1998 indiquant que, lorsque la diffamation est contenue dans une publication, le délai de prescription de 3 mois, prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, commence à courir du jour de la réception de la publication par son destinataire, même à l’encontre de la tierce personne diffamée, et non du jour seulement où celle-ci en a eu connaissance. La fin de non-recevoir tirée de cette prescription, d’ordre public, doit être relevée d’office.

Arrêt N°99-18559 de la Cour de Cassation du 29 novembre 2001 précisant que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de 3 mois prévue par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, d’ordre public, doit être relevée d’office.

Décision N°00MA00600 de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 18 janvier 2005 indiquant que la distribution des tracts syndicaux dans la fonction publique ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service mais n’est pas soumise à l’autorisation préalable du chef d’établissement

Arrêt N°277939 du Conseil d’État du 11 mars 2005 indiquant que la distribution des tracts syndicaux dans la fonction publique ont lieu pendant les heures de service et ne peuvent être assurées que par des agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d’une décharge de service

Arrêt N°04-84705 de la Cour de Cassation du 10 mai 2005 indiquant que le langage syndical peut justifier la tolérance de certains excès à la mesure des tensions nées de conflits sociaux ou de la violence qui parfois sous-tend les relations du travail. Toutefois, cela ne peut pas excéder cette mesure admissible dans le cas de propos présentant un caractère injurieux

Arrêt N°277945 du Conseil d’État du 27 février 2006 précisant que la distribution des documents d’origine syndicale est possible quels que soient le nombre et les fonctions de leurs destinataires

Arrêt N°05-15228 de la Cour de Cassation du 28 février 2007 indiquant que les propos qualifiés par l’employeur d’injurieux et de diffamatoires contenus dans les tracts diffusés au public, ne peuvent être incriminés qu’au regard de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Décision N°07NT00334 de la Cour Administrative d’Appel de Nantes du 4 octobre 2007 précisant la distribution de tracts syndicaux est une liberté d’expression liée à l’exercice d’une fonction syndicale et doit nécessairement avoir pour objet la défense des intérêts professionnels, individuels ou collectifs, des adhérents du syndicat

Arrêt N°06-18907 de la Cour de Cassation du 5 mars 2008 indiquant que si un syndicat a le droit de communiquer librement des informations au public sur un site internet, cette liberté peut être limitée dans la mesure de ce qui est nécessaire pour éviter que la divulgation d’informations confidentielles porte atteinte aux droits des tiers.

Arrêt N°299205 du Conseil d’État du 15 mai 2009 indiquant qu’en l’absence de dispositions législatives spéciales contraires, l’exercice des droits syndicaux aux seuls syndicats représentatifs dans l’entreprise, ne s’applique pas à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique régi par la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires

Arrêt N°08-42201 de la Cour de Cassation du 23 septembre 2009 précisant qu’un employeur ne peut pas licencier un salarié pour le motif avoir distribué un tract syndical alors même que les propos ne sont pas insultants, excessifs ou diffamatoires.

Décision N°08VE01072 de la Cour Administrative d’Appel de Versailles du 24 septembre 2009 indiquant qu’un tract syndical ne doit pas contenir des termes injurieux, outrageants ou diffamatoires. Ainsi, le devoir de réserve qui pèse sur les fonctionnaires doit se concilier avec la liberté d’expression liée à l’exercice d’une fonction syndicale et à l’expression d’un libre droit de critique sans excéder les limites de l’activité syndicale.

Arrêt N°09-12240 de la Cour de Cassation du 18 janvier 2011 indiquant qu’un accord d’entreprise ne peut pas limiter les temps et lieux de distribution des tracts syndicaux hors de l’enceinte de l’entreprise

Arrêt N°10-86291 de la Cour de Cassation du 22 novembre 2011 indiquant qu’en cas de diffusion d’un tract et d’accusation de diffamation publique, les dispositions de l’article 121-2 du code pénal ne sont pas applicables aux infractions pour lesquelles les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont applicables

Arrêt N°11-10793 de la Cour de Cassation du 3 juillet 2012 indiquant que l’affichage d’un tract syndical, qui ne contient aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif, ne caractérise pas un abus de la liberté d’expression du salarié et ne justifie pas un licenciement pour cause réelle et sérieuse du salarié l’ayant affiché

Arrêt N°11-88309 de la Cour de cassation du 19 mars 2013 précisant que la liberté d’expression syndicale doit être la règle dans une société démocratique. Ainsi, un tract syndical, rédigé dans un contexte conflictuel et susceptible de justifier une certaine outrance, ne dépasse pas les limites admissibles

Arrêt N°13-40021 de la Cour de Cassation du 11 juillet 2013 portant transmission d’une QPC au Conseil Constitutionnel sur : « La rédaction de l’article L2142-6 du code du travail en ce qu’elle subordonne la diffusion de tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l’entreprise à un accord d’entreprise ou à un accord de l’employeur est-elle conforme à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? »

Arrêt N°12-83672 de la Cour de Cassation du 10 septembre 2013 indiquant qu’à l’occasion de la distribution d’un tract syndical dans un établissement, aucune disposition de la loi du 29 juillet 1881 n’autorise la poursuite d’une personne morale, comme un syndicat, du chef de diffamation non publique. Ainsi, en dehors des cas expressément prévus par les textes, les personnes morales ne peuvent encourir de responsabilité pénale à raison des contraventions de presse

Décision 2013-345 QPC du 27 septembre 2013 du Conseil constitutionnel considère que la rédaction de l’article L2142-6 du Code du Travail en ce qu’elle subordonne la diffusion de tracts de nature syndicale sur la messagerie électronique de l’entreprise à un accord d’entreprise ou à un accord de l’employeur est conforme à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

Arrêt N°12-10082 de la Cour de Cassation du 14 novembre 2013 indiquant que la distribution par un salarié aux clients de l’entreprise d’une pétition, portant sur l’organisation du travail et le fonctionnement de l’entreprise par un salarié et ne contenant aucun propos excessif, injurieux ou diffamatoire, ne peut justifier un licenciement pour faute grave. Le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse

Arrêt N°14-18262 de la Cour de Cassation du 10 septembre 2015 précisant que, devant les juridictions civiles, la prescription de 3 mois prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, est d’ordre public. La fin de non-recevoir tirée de la prescription prévue par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, d’ordre public, doit être relevée d’office.

Arrêt N°16-24798 de la Cour de cassation du 15 novembre 2017 indiquant que le juge des référés du tribunal d’instance ne peut ordonner, sous astreinte, aux syndicats de cesser et faire cesser toute communication à des fins électorales en dehors de la campagne électorale fixée par le protocole d’accord préélectoral. Cela ne constitue pas l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Arrêt N°17-21099 de la Cour de cassation du jeudi 20 septembre 2018 a indiqué que les délégués syndicaux ne peuvent pas distribuer des tracts aux salariés de l’entreprise durant leur temps de travail ou pendant leur temps de pause. De même, ils ne peuvent pas faire usage de la messagerie électronique de l’entreprise pour diffuser des informations syndicales si un protocole ne le permet pas.

L’affichage des tracts syndicaux dans l’établissement

1) Dans le secteur privé

L’affichage des communications syndicales s’effectue librement sur des panneaux réservés à cet usage, distincts de ceux affectés aux communications des délégués du personnel et du comité d’entreprise.

Un exemplaire des communications syndicales est transmis à l’employeur, simultanément à l’affichage.

Les panneaux d’affichage des tracts syndicaux sont mis à la disposition de chaque section syndicale suivant des modalités fixées par accord avec l’employeur.

2) Dans le secteur public

Les syndicats de l’établissement ainsi que les organisations syndicales représentées au conseil supérieur de la fonction publique peuvent afficher toute information d’origine syndicale sur des panneaux réservés à cet usage.

Les panneaux d’affichage doivent être en nombre suffisant, de dimensions convenables, et aménagés de façon à assurer la conservation des documents.

Les panneaux sont placés dans des locaux facilement accessibles aux personnels en concertation avec les organisations syndicales et seuls les documents d’origine syndicale sont autorisés sur les panneaux à l’exclusion des documents étrangers à l’exercice du droit syndical

La distribution des tracts syndicaux dans l’établissement

1) Dans le secteur privé

Les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail.

Le contenu des affiches, publications et des tracts syndicaux est libre, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse.

Un accord d’entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise.

Dans le cadre de la diffusion de tracts syndicaux via la messagerie de l’entreprise, cela doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail.

L’accord d’entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d’accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message.

Dans les entreprises de travail temporaire, les communications syndicales portées sur le panneau d’affichage sont remises aux salariés temporaires en mission ou adressées par voie postale, aux frais de l’entrepreneur de travail temporaire, au moins une fois par mois.

2) Dans le secteur public

Les documents d’origine syndicale peuvent être distribués aux agents dans l’enceinte des bâtiments de l’établissement mais en dehors des locaux ouverts au public.

La distribution ne doit pas entraver le fonctionnement du service, et ne peut être assurée que par des agents qui ne sont pas en service, ou qui bénéficient d’une décharge d’activité de service ou d’une autorisation spéciale d’absence.

Dans le cas d’une distribution par une personne extérieure à l’établissement, celui-ci doit disposer d’un mandat syndical quelle que soit la forme.

Dans cette dernière hypothèse, le directeur de l’établissement devra être informé de la venue de ces agents au moins 24 heures à l’avance.

Les mentions légales d’un tract syndical

Le tract syndical doit comporter différentes mentions légales.

Cela concerne :

– l’obligation de rédaction en français

– le nom et l’adresse du syndicat qui l’édite

– le logo de de l’organisation syndicale qui le conçoit

– la mention  » Ne pas jeter sur la voie publique  » pour satisfaire aux obligations de l’article L541-10-1 du Code de l’environnement sur la salubrité publique

A défaut, le syndicat est passible de sanctions pénales par des amendes de 750 à 3750 €.

La notion d’injure – diffamation – le délai de prescription de 3 mois

Lorsqu’un employeur estime que le contenu d’un tract syndical diffusé au public comporte une diffamation, des propos injurieux ou diffamatoires, son action en justice ne peut être fondée que sur la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse.

En effet, la diffusion de tracts au public entre dans la catégorie des publications ou écrits relevant de la loi sur la liberté de la presse et l’injure et la diffamation sont visées par cette loi qui détermine les modalités des poursuites.

L’article 29 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse précise la définition de l’injure et de la diffamation.

L’injure se définit par le fait d’employer à l’encontre d’une personne toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait.

La diffamation se définit par le fait d’utiliser toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

En cas de diffamation ou injure, l’article 65 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 indique que le délai de prescription, devant une juridiction civile ou pénale, est fixé à 3 mois à compter de la date de la publication litigieuse.

Pour aller plus loin

Lire l’article sur : le droit syndical des salariés dans le secteur privé – définition – jurisprudences – délégué syndical et RSS – formation syndicale

Lire l’article sur : Le droit syndical dans la fonction publique territoriale – législation – locaux syndicaux – ASA – temps syndical – réunion mensuelle d’information

Lire l’article sur : Le droit syndical dans la fonction publique d’état – définition – locaux syndicaux – temps syndical – réunion mensuelle d’information

Lire l’article sur : le crédit d’heures mensuelles de délégation accordées au délégué du personnel – délégué syndical – représentant syndical et membre du comité d’entreprise et CHSCT dans le secteur privé

Lire l’article sur : La décision QPC du 27 septembre 2013 du Conseil Constitutionnel refuse la diffusion des tracts syndicaux sur la messagerie de l’entreprise sans l’accord de l’employeur

Lire l’article sur : le statut des salariés protégés dans le secteur privé – définition – durée de la protection – salariés concernés

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