Lorsqu’un employeur privé ne respecte pas les dispositions légales, conventionnelles ou celles prévues par le contrat de travail, le salarié peut engager une procédure afin de demander au juge la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Si elle est acceptée par la juridiction, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail permettra d’obtenir la requalification en licenciement nul avec les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec le versement d’indemnités au salarié.
En cas de refus, cette démarche sera assimilée à une démission.
Dispositions législatives
Les principales dispositions législatives et réglementaires de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail des salariés du secteur privé sont :
– Article L1451-1 du Code du Travail sur le délai de saisine d’un mois du bureau de jugement en cas de demande de qualification de rupture du contrat de travail
– Articles L1222-1 à 5 du Code du Travail sur l’exécution du contrat de travail
– Article 1102 du Code Civil sur les contrats ou les obligations conventionnelles en général
– Article 1134 du Code Civil sur la loi des contrats
– Articles 1183 et 1184 du Code Civil sur la condition résolutoire d’un contrat
– Loi 2014-743 du 1er juillet 2014 relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié
Les décisions de la jurisprudence
– Arrêt N°01-42335 de la Cour de Cassation du 25 juin 2003 indiquant que, lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission
– Arrêt N°03-43587 de la Cour de Cassation du 11 janvier 2006 indiquant qu’un employeur qui effectue une retenue sur salaire d’un travailleur pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale et justifie la prise d’acte de rupture de son contrat de travail par le salarié
– Arrêt N°04-46009 de la Cour de Cassation du 5 juillet 2006 précisant que, lorsqu’un salarié protégé prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture, produit, soit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient
– Arrêt N°07-41468 de la Cour de Cassation du 21 janvier 2009 précisant qu’un employeur qui ne verse pas le paiement du salaire et des heures supplémentaires d’un salarié justifie la prise d’acte d’une rupture de contrat de travail par le salarié, peu importe que la lettre de rupture ne fasse pas mention des griefs
– Arrêt N°08-40611 de la Cour de Cassation du 4 février 2009 indiquant que la modification du contrat de travail intervenue sans l’accord exprès du salarié constitue un manquement aux obligations contractuelles de l’employeur qui fait produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Arrêt N°07-45521 de la Cour de Cassation du 9 décembre 2009 indiquant que la prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Il appartient en conséquence aux juges du fond de rechercher si, peu important le comportement postérieur du salarié, les faits invoqués justifiaient cette prise d’acte
– Arrêt N°09-65254 de la Cour de Cassation du 3 novembre 2010 précisant que l’employeur a l’obligation de fournir le travail convenu à un salarié. Ainsi, un salarié remplacé dans ses fonctions et sans autre affectation justifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
– Arrêt N°09-65710 de la Cour de Cassation du 29 juin 2011 précisant que, lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable du salarié, dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation d’objectifs constitue un manquement justifiant la prise d’acte de la rupture par le salarié
– Arrêt N°09-67510 de la Cour de Cassation du 28 septembre 2011 indiquant que la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail du salarié de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
– Arrêt N°10-16353 de la Cour de Cassation du 17 novembre 2011 indiquant qu’un employeur qui ne fournit pas de travail à un salarié doit s’analyser en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié et à un licenciement nul
– Arrêt N°10-27525 de la Cour de Cassation du 7 février 2012 précisant qu’un salarié ne peut pas demander la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail pendant la période d’essai
– Arrêt N°11-20447 de la Cour de Cassation du 17 octobre 2012 précisant qu’un salarié déclaré inapte, ni licencié, ni rémunéré à l’issue du délai d’un mois est justifié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail
– Arrêt N°10-26611 de la Cour de Cassation du 21 novembre 2012 précisant qu’un salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate et définitive du contrat de travail. Ainsi, la demande de prise d’acte de rupture du contrat ne peut pas être rétractée
– Arrêt N°11-12029 de la Cour de Cassation du 23 mai 2013 indiquant que des injures racistes prononcées à l’égard d’un salarié justifie la prise prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux tords de l’employeur en produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Arrêt N°12-15974 de la Cour de Cassation du 29 mai 2013 indiquant que la prise d’acte de la rupture par un salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur, entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut être rétractée. Il en résulte qu’un salarié protégé qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi
– Arrêt N°12-20973 de la Cour de Cassation du 19 juin 2013 précisant que le document demandant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail d’un salarié doit être adressée directement à l’employeur et pas au Conseil des Prud’hommes. Toutefois, une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié doit être déposée au Conseil des Prud’hommes.
– Arrêt N°12-12758 de la Cour de Cassation du 19 juin 2013 précisant qu’un employeur doit réintégrer un salarié au retour de son congé parental dans son précédent emploi même en cas d’une clause de mobilité dans son contrat de travail. A défaut, ce manquement justifie la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail du salarié laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
– Arrêt N°12-17888 de la Cour de Cassation du 3 juillet 2013 indiquant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, non justifiée, produit les effets d’une démission. Ainsi, le salarié doit verser à son employeur une indemnité pour un préavis non respecté
– Arrêt N°11-24457 de la Cour de Cassation du 9 octobre 2013 indiquant que, les fautes de l’employeur qui n’ont été connues par le salarié que postérieurement à la prise d’acte ne peuvent pas servir au fondement de la prise d’acte
– Arrêt N°12-21181 de la Cour de Cassation du 27 novembre 2013 considérant qu’un salarié ne peut pas demander une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail au motif que la réorganisation de l’entreprise, concernant ce salarié, n’avait pas été soumise à une consultation du comité d’entreprise
– Arrêt N°12-19479 de la Cour de Cassation du 29 janvier 2014 précisant qu’un salarié, qui se voit imposer par son employeur un appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités ayant pour effet de vider le poste de sa substance, peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur
– Arrêt N°12-23634 de la Cour de Cassation du 26 mars 2014 considérant que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail d’un salarié n’est possible que si les manquements de l’employeur sont récents et empêchent la poursuite du contrat de travail. A défaut, la prise d’acte de rupture du salarié doit être requalifiée en lettre de démission
– Arrêt N°13-15832 de la Cour de Cassation du 9 juillet 2014 indiquant que si la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis, la circonstance que l’intéressé a spontanément accompli en accord avec l’employeur, ou offert d’accomplir, celui-ci, est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte
– Arrêt N°14-12193 de la Cour de Cassation du 14 octobre 2015 précisant qu’un délégué du personnel qui prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements de l’employeur à ses obligations, et qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu, a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, augmentée de six mois, soit 30 mois maximum.
– Arrêt N°15-18189 de la Cour de cassation du 14 septembre 2016 considérant que, si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à aucun formalisme, c’est à la condition que la lettre soit adressée directement à l’employeur.
– Arrêt N°14-30056 de la Cour de cassation du 21 septembre 2016 indiquant qu’en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur. Toutefois, si le salarié a retrouvé un nouvel emploi avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, la résiliation prend alors effet au jour où les juges constatent que le salarié bénéficie d’un nouveau contrat de travail auprès d’un autre employeur.
– Arrêt N°14-250676 de la Cour de cassation du 19 octobre 2016 précisant qu’en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié, il ne peut pas bénéficier du versement de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
La définition de la prise d’acte de rupture du contrat de travail
Il n’existe aucune disposition légale ou règlementaire, de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail des salariés du secteur privé dans la Code du Travail.
Plusieurs décision de la jurisprudence de la Cour de Cassation ont défini la prise d’acte de la rupture du contrat de travail : » lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission « .
Les juridictions doivent apprécier le comportement fautif de l’employeur, caractérisé par des manquements graves à ses obligations.
Le salarié prend alors l’initiative de rompre son contrat de travail en cessant son travail et en imputant la responsabilité de cette rupture à son employeur, en raison d’un manquement à ses obligations ou d’un comportement fautif.
En cas de reconnaissance de la prise d’acte de la rupture du contrat, cela exclut la réintégration du salarié dans son ancien emploi. Le salarié peut demander la réparation du préjudice subi par le versement d’indemnités.
En cas de non reconnaissance, le salarié devra verser à son employeur une indemnité compensatrice de préavis.
La prise d’acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Le salarié n’est pas tenu d’effectuer un préavis.
Les éléments pouvant justifier une prise d’acte de rupture du contrat de travail
Seul le juge a le pouvoir de reconnaitre, ou non, si les manquements des obligations ou le caractère fautif sont imputables à l’employeur.
Les éléments qui peuvent caractériser une rupture du contrat de travail peuvent être :
– le non-paiement du salaire, des heures supplémentaires, de primes ou indemnités légales ou conventionnelles par l’employeur
– une modification unilatérale du contrat de travail du salarié
– un manquement à l’obligation de sécurité de résultats de l’employeur envers les salariés : harcèlement moral, sexuel, discrimination, violences morales…
La procédure de la prise d’acte de rupture du contrat de travail
Le Code du Travail ne prévoit aucune procédure précise pour le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail en cessant de se rendre sur son lieu de travail.
Toutefois, il est recommandé d’adresser un courrier en recommandé avec accusé de réception à l’employeur afin d’apporter un élément de preuve sur la date de la rupture devant une juridiction.
Le salarié doit ensuite saisir la Conseil de Prud’hommes.
Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
La prise d’acte et le préavis de départ
La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
Toutefois, la circonstance que le salarié ait spontanément accompli en accord avec l’employeur, ou offert d’accomplir, celui-ci, est sans incidence sur l’appréciation de la gravité des manquements invoqués à l’appui de la prise d’acte.
Les indemnités de prise d’acte de la rupture du contrat
Le salarié, qui obtient la reconnaissance judiciaire de la prise d’acte de rupture du contrat de travail imputable à l’employeur, peut prétendre au versement :
– d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés
– d’indemnités légale ou conventionnelle de licenciement
– d’indemnités de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– d’indemnités sur la perte de chance d’utiliser les droits acquis au titre du DIF – Droit Individuel à la Formation
– d’indemnités forfaitaires de préjudice pour violation du statut de salarié protégé.
Toutefois, si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux tords de l’employeur n’est pas justifié, elle produit les effets d’une démission.
Ainsi, le salarié peut être contraint à verser à son employeur une indemnité pour non respect du préavis.
Bonjour Je partage l'avis de Serge qui est un collègue.
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document parfait et très intéressant en droit. Félicitations à ses auteurs. Cependant, on n'arrive pas à imprimer ou copier le…