Le délit d’entrave est, pour un employeur, le fait de porter atteinte à l’exercice du droit syndical, la désignation des instances représentatives du personnel ou l’exercice des missions et fonctions des représentants du personnel.
Ce délit est défini par plusieurs dispositions du Code du Travail et du Code Pénal mais ne concerne que le secteur privé. En effet, il n’existe, à ce jour, aucune disposition qui définit et sanctionne pénalement le délit d’entrave dans le secteur public.
Dispositions législatives
Les principales dispositions législatives et réglementaires qui déterminent le délit d’entrave au droit syndical ou dans les instances représentatives du personnel sont :
- Protocole du 22 juin 1995 – P081 – relatif à la convention sur l’inspection du travail de 1947
- Loi Macron 2015-990 du 6 août 2015 – article 262 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques modifiant plusieurs articles sur les sanctions pénales en cas de délit d’entrave dans le code du Travail
- Article L2146-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave au droit syndical
- Article L2316-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave des délégués du personnel
- Article L2317-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave au comité social et économique, comité social et économique d’établissement ou comité social et économique central
- Article L2328-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave au comité d’entreprise, comité d’établissement ou d’un comité central d’entreprise
- Article L2335-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave au comité de groupe
- Article L2346-1 du Code du Travail sur le délit d’entrave au groupe spécial de négociation, d’un comité d’entreprise européen
- Article L4742-1 du Code du Travail sur les dispositions pénales en cas d’atteinte à la constitution, la désignation ou le fonctionnement régulier du CHSCT
- Article L8113-7 du Code du Travail sur la procédure à suivre par l’inspecteur du travail pour dresser des procès-verbaux en cas de délit d’entrave
- Article 121-3 du Code Pénal sur les dispositions générales de la responsabilité pénale
- Article 40 du Code de Procédure Pénale sur la procédure en citation directe
- Loi Macron 2015-990 du 6 août 2015 – article 262 modifiant plusieurs articles sur les sanctions pénales en cas de délit d’entrave dans le Code du Travail
Les décisions de la jurisprudence
- Arrêt N°70-90221 de la Cour de Cassation du 20 octobre 1970 précisant qu’un employeur qui refuse d’organiser des élections professionnelles dans son entreprise commet un délit d’entrave
- Arrêt N°80-93511 de la Cour de Cassation du 28 janvier 1983 sur le délit d’entrave à l’exercice du droit syndical
- Arrêt N°82-91562 de la Cour de Cassation du 22 mars 1983 sur le délit d’entrave au fonctionnement comité d’entreprise par une absence d’information ou de consultation
- Arrêt N°88-83311 de la Cour de cassation du 4 janvier 1990 précisant que l’employeur qui modifie unilatéralement l’ordre du jour d’une réunion du CHSCT commet le délit d’atteinte au fonctionnement régulier de ce comité.
- Arrêt N°93-80312 de la Cour de Cassation du 4 avril 1995 précisant qu’un employeur qui ne respecte pas la procédure protectrice contre le licenciement des représentants du personnel, notamment en licenciant un salarié protégé en l’absence de toute autorisation administrative ou malgré un refus de l’inspection du travail commet un délit d’entrave
- Arrêt N°96-85098 de la Cour de Cassation du 3 mars 1998 sur le délit d’entrave cas d’absence de constitution régulière du CHSCT
- Arrêt N°00-81488 de la Cour de Cassation du 21 novembre 2000 sur le délit d’entrave au CHSCT en cas de convocation tardive en cas d’accident grave du travail d’un salarié
- Arrêt N°02-82293 de la Cour de Cassation du 25 février 2003 sur le délit d’entrave au CHSCT en cas de refus délibéré de l’employeur de réunir le comité nouvellement élu dans l’attente de la décision à intervenir d’une contestation de l’élection des membres au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
- Arrêt N°03-81366 de la Cour de cassation du 14 octobre 2003 sur le délit d’entrave au CHSCT en cas d’absence de consultation avant de prendre une décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.
- Arrêt N°04-87451 de la Cour de Cassation du 22 novembre 2005 précisant qu’un employeur qui refuse de prendre en charge les frais de déplacement des salariés membres du CHSCT pour se rendre à une réunion se tenant au siège social commet un délit d’entrave
- Arrêt N°05-80443 de la Cour de Cassation du 3 janvier 2006 sur le délit d’entrave en cas de non respect des délai de communication des documents aux représentants du personnel dans les instances représentatives du personnel
- Arrêt N°06-84318 de la Cour de Cassation du 15 mai 2007 précisant que la présentation tardive ou incomplète d’un bilan social constitue un délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel
- Arrêt N°08-80788 de la Cour de Cassation du 9 décembre 2008 précisant qu’un employeur qui ne fournit pas les informations nécessaires aux membres du CHSCT pour exercer leur mission de prévention commet un délit d’entrave au fonctionnement du CHSCT
- Arrêt N°09-13640 de la Cour Cassation du 30 juin 2010 sur le délit d’entrave au CHSCT en cas d’absence de consultation sur une décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés
- Arrêt N°11-80565 de la Cour de Cassation du 27 mars 2012 précisant qu’un employeur qui introduit un nouvel outil informatique dans l’entreprise et qu’il convoque à ce sujet le comité d’entreprise sans leur fournir d’informations précises et écrites commet un délit d’entrave
- Arrêt N°11-83984 de la Cour Cassation du 5 mars 2013 sur le délit d’entrave à la constitution d’un comité d’entreprise et à l’exercice régulier des fonctions d’un délégué du personnel
- Arrêt N°12-85617 de la Cour de Cassation du 17 décembre 2013 précisant qu’un employeur qui invite les salariés à ne pas formuler de réclamations aux délégués du personnel et qui, lors d’une réunion mensuelle des délégués du personnel, considère qu’il n’est pas possible de discuter calmement avec un des délégués et l’exclut des réunions suivantes commet un délit d’entrave
- Arrêt N°14-81853 de la Cour de Cassation du 28 octobre 2014 considérant qu’aucun texte n’impose au CHSCT de préciser dans les résolutions qu’il adopte les faits d’entrave pour lesquels il mandate un de ses membres qui doit être régulièrement désigné
- Arrêt N°13-81784 de la Cour de cassation du 30 mars 2016 précisant que le CHSCT est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Il en résulte que le délit d’entrave est constitué lorsque la consultation du CHSCT est postérieure à une telle décision
- Arrêt N°16-86138 de la Cour de cassation du 28 novembre 2017 indiquant qu’un employeur, président du CHSCT, qui créé une « sur-représentation » du personnel de direction lors d’une réunion du CHSCT durant laquelle était prévue une motion permettant de recourir à un expertise, sans assentiment préalable des membres du comité, commet un délit d’entrave au fonctionnement régulier du CHSCT.
- Arrêt N°18-82504 de la Cour de cassation du 4 juin 2019 précisant que les dispositions du Code du travail qui prévoient et répriment l’atteinte à la libre désignation et à l’exercice régulier des fonctions de délégués du personnel et l’entrave à la constitution et au fonctionnement du comité d’entreprise, demeurent applicables, tant que le comité social et économique n’a pas été élu.
Le principe de délit d’entrave
Le délit d’entrave concerne l’ensemble des droits des délégués du personnel et syndicaux et la constitution, les missions et le fonctionnement de l’ensemble des instances représentatives du personnel du secteur privé.
Le délit d’entrave s’applique au :
- DP délégués du personnel – DS délégués syndicaux et RSS représentants de section syndicale
- comité d’entreprise européen
- comité de groupe
- CSE comité social et économique – comité social et économique d’établissement – comité social et économique central
- CE Comité d’entreprise – comité d’établissement – CCE comité central d’entreprise
- CHSCT – Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail
Les sanctions pénales en cas de délit d’entrave
L’article 262 de la loi Macron 2015-990 du 6 août 2015 a modifié plusieurs articles sur les sanctions pénales en cas de délit d’entrave dans le code du Travail. Les amendes passent de 3 750 euros à 7 500 € et les sanctions d’emprisonnement d’un an sont supprimées en cas d’atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions.
Désormais, le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions ou à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
Le délit d’entrave est parfois puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3750 €.
De plus, l’article 131-39 du Code Pénal indique, qu’en cas de crime ou de délit par une personne morale, la peine peut être accompagnée, entre autres de :
- l’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique
- la dissolution, lorsque la personne morale a été créée
- la fermeture définitive ou pour une durée de 5 ans au de l’établissement ayant servi à commettre les faits incriminés
- l’interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales, à titre définitif ou pour une durée de 5 ans
- le placement sous surveillance judiciaire pour une durée de 5 ans
Les modifications de la Loi Macron des sanctions pénales du délit d’entrave
1) – Article L2316-1 – délégué du personnel
Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 € euros. Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier de leurs fonctions est puni d’une amende de 7 500 €.
2) Article L2317-1 – CSE
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un comité social et économique, d’un comité social et économique d’établissement ou d’un comité social et économique central, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2314-1 à L. 2314-9 est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 €. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
3) Article L2328-1 sur le comité d’entreprise
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un comité d’entreprise, d’un comité d’établissement ou d’un comité central d’entreprise, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des dispositions des articles L. 2324-3 à L. 2324-5 et L. 2324-8, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
4) Article L2328-2 sur la consultation du comité d’entreprise sur le bilan social
Le fait, dans une entreprise d’au moins trois cents salariés ou dans un établissement distinct comportant au moins trois cents salariés, de ne pas établir et soumettre annuellement au comité d’entreprise ou d’établissement le bilan social d’entreprise ou d’établissement prévu à l’article L. 2323-68 est puni d’une amende de 7 500 € euros.
5) Article L2346-1 sur le comité d’entreprise européen ou procédure d’information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation, d’un comité d’entreprise européen ou à la mise en œuvre d’une procédure d’information et de consultation, soit à la libre désignation de leurs membres, notamment par la méconnaissance des articles L. 2342-1 à L. 2342-7 et L. 2343-1, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
6) Article L2355-1 sur le groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société européenne
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société européenne mis en place ou non par accord, soit à la libre désignation de leurs membres est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
7) Article L2365-1 sur le groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société coopérative européenne
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société coopérative européenne mis en place ou non par accord, soit à la libre désignation de leurs membres, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
8) Article L2375-1 sur le groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société issue de la fusion transfrontalière
Le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation ou d’un comité de la société issue de la fusion transfrontalière mis en place ou non par accord, soit à la libre désignation de leurs membres, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €.
9) Article L2335-1 sur le comité de groupe
Le fait de ne pas constituer et réunir pour la première fois un comité de groupe dans les conditions prévues aux articles L. 2333-5 et L. 2334-3 ou d’apporter une entrave à la désignation des membres d’un comité de groupe, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait d’apporter une entrave au fonctionnement régulier de ce comité est puni d’une amende de 7 500 €.
10) Article L4742-1 sur le CHSCT – Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
Le fait de porter atteinte ou de tenter de porter atteinte soit à la constitution, soit à la libre désignation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, notamment par la méconnaissance des dispositions du livre IV de la deuxième partie relatives à la protection des représentants du personnel à ce comité, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 euros. Le fait de porter atteinte au fonctionnement régulier du comité est puni d’une amende de 7 500 €.
Les éléments constitutifs d’un délit d’entrave
Pour être reconnu comme un délit d’entrave devant une juridiction, le délit d’entrave doit contenir :
- un élément légal
L’employeur doit enfreindre une disposition législative ou réglementaire. En effet, nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ou le règlement
- un élément matériel
C’est l’élément factuel qui doit servir de preuve de l’agissement qualificatif du délit. L’entrave peut être par action ou omission. Elle peut être directe pour empêcher le fonctionnement d’une instance représentative du personnel ou indirecte contre un délégué du personnel ou délégué syndical.
- un élément moral
C’est le caractère intentionnel et volontaire des agissements constitutifs du délit d’entrave. En effet, l’article L121-3 du Code Pénal précise qu’il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
L’élément intentionnel se déduit non du but recherché mais du caractère volontaire des mesures prises.
Le rôle de l’inspection du travail – la procédure judiciaire
L’inspection du Travail
L’article L8112-1 du Code du Travail indique que les inspecteurs du travail sont chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail.
De plus, l’article 40 du Code de Procédure Pénale prévoit que :
“ Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs “.
L’inspecteur du travail, qui aurait connaissance de l’existence d’un délit d’entrave aux règles de constitution ou d’exercice de ses missions par le CHSCT, doit saisir le procureur de la République.
En cas de faits susceptibles d’entraver le droit syndical ou les instances représentatives du personnel, l’inspection du travail peut être saisie par courrier en recommandée avec AR par les organisations syndicales concernées.
En effet, dans cette situation, les faits portent atteinte à l’intérêt collectif des salariés et une organisation syndicale dispose d’un intérêt à agir en justice.
L’inspecteur du Travail peut constater le délit d’entrave, faire une mise en demeure ou dresser un procès verbal qui sera communiqué au Procureur de la République compétent.
La procédure judiciaire
La procédure judiciaire des faits de délit d’entrave peut se faire par :
- un dépôt de plainte auprès des services de police, de gendarmerie ou du Procureur de la République
- un dépôt de plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des juges d’instruction
- une citation directe devant le Tribunal correctionnel si les preuves factuelles de l’auteur du délit sont rassemblées
Le recours d’un avocat est indispensable compte tenu de la complexité de la procédure pénale.