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CHSCT : la faute inexcusable de l’employeur – la procédure pour DGI Danger Grave et Imminent – le droit de retrait des salariés

La procédure de danger grave et imminent – DGI – est une disposition prévue par les articles L4132-1 à 5 du Code du Travail qui s’applique pour tous les salariés et les représentants du personnel au CHSCT :

– pour les salariés, le droit d’alerte ou le droit de retrait permet d’alerter l’employeur sur une situation professionnelle à risque et éventuellement se retirer de cette situation qu’il ressent comme potentiellement dangereuse.

– pour les représentants au CHSCT, la procédure administrative pour danger grave et imminent permet de signaler au chef d’établissement, sur un registre spécial, une situation de danger qu’ils ont constaté ou qui leur a été signalée par un salarié. En cas de désaccord avec l’employeur, un CHSCT extraordinaire devra se tenir dans les 24 heures suivant la déclaration sur le registre spécial.

Les textes législatifs différencient les deux procédures du salarié ou du représentant au CHSCT.

En effet, les représentants au CHSCT doivent constater qu’il existe une cause de danger grave et imminent, alors que le salarié d’avoir un motif raisonnable de penser qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent.

Dispositions législatives

Les principales dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent la faute inexcusable et la procédure de danger grave et imminent sont :

article L4131-1 du Code du Travail qui définit le droit d’alerte et de retrait pour le salarié

article L4131-3 du Code du Travail précisant qu’aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un salarié qui a utilisé son droit d’alerte et de retrait.

article L4132-1 du Code du Travail qui délimite l’exercice du droit de retrait qui ne doit pas créer pour les autres salariés une nouvelle situation de risque grave et imminent.

articles L4132-1 à L4132-5 et D4131-1 et 2, précisant la procédure des membres du CHSCT pour signaler, sur un registre tenu à leur disposition, l’existence d’un danger grave et imminent dans un établissement à mettre en œuvre.

article 11 bis A de la Loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précisant que les agents ne peuvent être condamnés pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie.

les articles L4121-1 à 5 du Code du Travail sur les obligations des employeurs sur la sécurité et la protection de la santé physique et mentales des salariés

article L4131-4 du Code du Travail sur la faute inexcusable de l’employeur

– articles L452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale sur la faute inexcusable et l’indemnisation du salarié en cas de faute inexcusable de l’employeur

Décret 2014-13 du 8 janvier 2014 relatif aux modalités de récupération des majorations de rente versées aux salariés par les caisses de sécurité sociale en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle imputable à une faute inexcusable de l’employeur

Circulaire CNAMTS N°11-2014 du 10 juin 2014 relative aux modification des règles d’opposabilité et de remboursement des conséquences financière en matière de faute inexcusable de l’employeur

Les décisions de la jurisprudence

Arrêt N°00-10051 de la Cour de Cassation du 28 février 2002 indiquant l’obligation de sécurité et de résultat de l’employeur en matière de protection de la santé des salariés

Arrêt N°00-16535 de la Cour de Cassation du 11 avril 2002 précisant que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Arrêt N°05-44580 de la Cour de Cassation du 13 décembre 2006 indiquant que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dont il doit assurer l’effectivité.

Arrêt N°07-43740 de la Cour de Cassation du 22 octobre 2008 précisant que la retenue de salaire est illégale quand il existe un motif raisonnable de penser que la situation dans laquelle se trouvent des salariés présentent un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.

Arrêt N°07-87.650 de la Cour de Cassation du 25 novembre 2008 précisant que lorsque les conditions du droit de retrait individuel ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, peu important qu’il reste à la disposition de l’employeur, ce dernier n’étant pas tenu de saisir préalablement le juge sur l’appréciation du bien fondé de l’existence du droit de retrait par le salarié.

Arrêt N°07-44556 de la Cour de Cassation du 28 janvier 2009 indiquant que le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger est nul.

Arrêt N°08-44019 de la Cour de Cassation du 3 février 2010 précisant que l’obligation de sécurité de résultat d’un employeur s’applique si un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales ou des agissements de harcèlement moral.

Arrêt N°08-40144 de la Cour de Cassation du 3 février 2010 indiquant que l’obligation de sécurité de résultat d’un employeur même s’il avait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements

Décision 2010-8 QPC du 18 juin 2010 sur la faute inexcusable de l’employeur indiquant que le salarié victime peut demander au Tribunal de la Sécurité Sociale, la réparation de tous ses préjudices, mêmes ceux qui ne sont pas explicitement visés par l’article L452-3, par exemple les frais d’adaptation du logement ou du véhicule.

Arrêt N°09-70838 de la Cour de cassation du 12 janvier 2011 inversant la charge de la preuve et indiquant que, dans le cas d’un salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail du fait d’un manquement à l’obligation de sécurité, c’était à l’employeur de démontrer que l’accident de travail survenu n’était pas lié à un tel manquement.

Arrêt N°10-20178 de la Cour de Cassation du 1er juin 2011 indiquant que la transaction par laquelle un employeur propose à un salarié de renoncer à agir en responsabilité à son encontre pour faute inexcusable moyennant une indemnisation de 10.000 € est nulle de plein droit.

Arrêts N°11-15393 de la Cour de Cassation du 4 avril 2012 précisant qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime peut prétendre à la réparation des préjudices qui ne sont pas couverts, en tout ou partie, en application du livre IV du code de la sécurité sociale

Arrêt N°12-22288 de la Cour de Cassation du 9 octobre 2013 indiquant que le droit de retrait ne peut être exercé par un salarié que pendant l’exécution du contrat de travail. Ainsi, un salarié en congé maladie ne peut exercer son droit de retrait prévu dans une situation de danger grave et imminent.

La faute inexcusable de l’employeur

La notion de faute inexcusable de l’employeur est prévue à l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Elle peut être retenue contre un employeur, si un ou des travailleurs étaient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’eux-mêmes ou un représentant du personnel au CHSCT – Comité d’Hygiène Sécurité et des Conditions de Travail – avaient signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé.

Ainsi, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat.

Le manquement à cette obligation a le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par le TASS, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues.

La décision 2010-8 QPC du 18 juin 2010 sur la faute inexcusable de l’employeur a indiqué que le salarié victime d’une faute inexcusable ou sa famille peut demander au Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale, la réparation de tous ses préjudices, mêmes ceux qui ne sont pas explicitement visés par l’article L452-3, par exemple les frais d’adaptation du logement ou du véhicule.

L’obligation de sécurité et de résultat de l’employeur

L’article L4121-1 du Code du Travail précise que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Depuis 2002, plusieurs arrêts de la Cour de Cassation ont précisé que l’obligation générale de sécurité des employeurs était une obligation de sécurité de résultat dans le domaine de la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Cette obligation de sécurité de résultat s’applique de la même manière si un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, des agissements de harcèlement moral.

L’obligation de sécurité de résultat est un Principe Général du Droit dont l’employeur doit assurer l’effectivité et l’efficacité. En cas de contentieux juridique, l’employeur aura la charge de la preuve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires efficaces pour remplir son obligation de sécurité.

A défaut, la responsabilité de l’employeur est engagée de plein droit, même si l’employeur avait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.

Lire l’article sur : la définition d’un État de Droit – les libertés et les droits fondamentaux en France – les PDG – principes généraux du Droit

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable par le salarié

Le salarié concerné devra envoyer un courrier en recommandé avec accusé de réception à la caisse de sécurité sociale dont il dépend, en indiquant qu’il invoque la faute inexcusable de son employeur.

Si la conciliation échoue, le salarié devra saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale – TASS. Le délai de prescription est fixé à 2 ans à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière.

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable par le TASS, le salarié percevra des indemnisations complémentaires :

– majoration de la rente versée par la CPAM

– indemnités de dommages et intérêts pour souffrances physiques et morales, préjudice esthétique ou d’agrément, absence de promotion professionnelle

– préjudice de perte d’emploi en cas de licenciement pour inaptitude physique

– indemnités pour les frais d’aménagement du logement et d’un véhicule adapté en raison du handicap, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice sexuel

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Ainsi, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur engendre la réparation intégrale des victimes d’accident du travail ou maladie professionnelle.

Ainsi, il est important que les membres du CHSCT des établissements publics ou privé signalent aux employeurs toutes les situations de dangers potentiels. Ils veilleront aussi à ce que leurs propos soient fidèlement retranscris sur les procès-verbaux du CHSCT, qui pourront servir d’éléments de preuve lors d’une procédure judiciaire.

Lire l’article sur : la condamnation d’un Centre Hospitalier pour faute inexcusable

La notion de danger grave

Le terme de danger grave signifie que la situation peut provoquer un accident du travail ou une maladie professionnelle grave. La sécurité sociale et le ministère du travail considère qu’un accident est grave s’il a entraîné une Invalidité Partielle Permanente – IPP – supérieure à 10 %.

La procédure du droit de retrait pour le salarié

Le salarié qui s’estime dans une situation de danger grave peut exercer son droit de retrait.

Toutefois, le salarié doit signaler les circonstances et la cause de cette situation de danger par une procédure d’alerte en informant immédiatement :

– son employeur : responsable de service, encadrement, directeur,…) et/ou

– un représentant du CHSCT

Même si la législation n’impose pas de moyen spécifique sur les modalités de signalement par un salarié de la procédure d’alerte, il est conseillé d’appuyer cette démarche par un écrit : fiche d’alerte, lettre, email, note,…

La fiche d’alerte : Elle permet au salarié d’alerter l’employeur sur une situation rencontrée par un agent dans l’exercice de ses fonctions et de dégager sa responsabilité pénales en cas de la survenue d’un incident mettant en cause sa sécurité ou celle des patients.

Dans le secteur public, l’article 11 bis A de la Loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise que les agents ne peuvent être condamnés pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de leurs fonctions que s’il est établi qu’ils n’ont pas accompli les diligences normales compte tenu de leurs compétences, du pouvoir et des moyens dont ils disposaient ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi leur confie.

Un guide pratique de février 2012 à l’usage des agents et des patients victimes d’actes de violence a été publié par L’ONVS – Observatoire National des Violences en milieu de Santé.

L’information des représentants au CHSCT : Le salarié doit informer les membres du CHSCT qui déposeront une procédure de danger grave et imminent sur le registre spécifique. Ainsi, un CHSCT extraordinaire se réunira dans les 24 heures.

L’employeur ne pourra demander au salarié de reprendre son activité dans une situation où persiste un danger grave et imminent et aucune sanction, aucune retenue de salaire ne pourra être prise à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés qui auraient utilisé ce droit d’alerte et de retrait.

Le chef d’établissement devra prendre des mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs en cas de danger grave, imminent et inévitable, d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail ( art L4132-5 ).

Les représentants au CHSCT doivent s’assurer que ces mesures et instructions ont bien été prises et qu’elles n’entravent en rien la mise en œuvre de ce droit des salariés.

La procédure pour les représentants au CHSCT

Les membres du CHSCT qui constatent une situation de danger grave et imminent, signalé ou non par l’exercice du droit d’alerte et de retrait par un salarié, doivent mettre en œuvre une procédure spécifique :

Prévenir immédiatement l’employeur ou son représentant de la situation de danger grave et imminent. Cette démarche peut se faire par téléphone mais devra être suivie par une lettre pour conserver une trace écrite.

Consigner par écrit la situation sur le registre spécial de consignation des dangers graves et imminents.

Le registre des dangers graves et imminents est prévu par l’article D4132-1 doit contenir des pages numérotées et doit être tenu, sous la responsabilité du chef d’établissement, à la disposition permanente des membres du CHSCT.

L’avis porté par le représentant du personnel sur ce registre doit être daté et signé et doit comporter l’indication du ou des postes de travail concernés. Il doit préciser la nature du danger, sa cause ainsi que le nom ou le service du ou des salariés exposés.

Les conséquences de la procédure de DGI – Danger Grave et Imminent

L’employeur doit procéder immédiatement à une enquête avec le membre du CHSCT qui a consigné le danger sur le registre.

L’employeur doit prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation décrite. En cas de divergence sur la réalité du danger ou sur les dispositions à prendre pour le faire cesser, le CHSCT devra être réuni d’urgence et dans un délai n’excédant pas 24 heures.

L’employeur devra informer immédiatement l’inspecteur du travail et l’agent du service prévention de la CRAM.

A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du CHSCT sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail devra être saisi immédiatement par l’employeur.

L’inspecteur du travail peut décider de mettre en œuvre les moyens à sa disposition, mise en demeure ou saisine du juge des référés, pour ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque.

Pour aller plus loin

Lire l’article sur : l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur – la faute inexcusable – définition – législation – jurisprudences – procédure au TASS

Lire l’article sur : La procédure du droit d’alerte pour DGI – Danger Grave et Imminent des représentants au CHSCT – Le droit de retrait des salariés

Lire l’article sur : les enquêtes du CHSCT après un accident du travail grave – un risque grave – une maladie professionnelle ou à caractère professionnel grave

Lire l’article sur : le CHSCT – Le droit d’alerte des représentants et des salariés en matière de santé publique et d’environnement

Lire l’article sur : un employeur qui ne fournit pas les informations nécessaires au CHSCT commet un délit d’entrave

Lire l’article sur : le délit d’entrave au droit syndical – CHSCT et Comité d’entreprise – définition – sanctions pénales – procédure